Une typologie des modes d'interaction en groupe
de tâches
Auteurs : Mongeau, P., Tremblay, J.
Université du Québec à Rimouski
Département des sciences humaines
300, Allée des Ursulines
Rimouski (Québec)
G5L 3A1
Résumé
Deux groupes de chercheurs ont étudié la participation à un groupe de
tâches : les praticiens et les universitaires. Les premiers ont élaboré des
portraits cliniques de participants types. Les deuxièmes ont dégagé certains
aspects fondamentaux du fonctionnement d'un groupe. Les travaux des uns et des
autres n'ont pas entraîné l'émergence d'une typologie reconnue. Afin d'élaborer
une typologie valide, la participation a été étudiée l'aide d'un questionnaire
construit à partir d'observations des praticiens et en utilisant des méthodes
statistiques reconnues par les universitaires. Les résultats ont révélé trois
niveaux d'analyse. Le premier correspond à une tendance largement connue dans
les études factorielles. Le deuxième rejoint les trois dimensions de certains
modèles théoriques du groupe. Le dernier regroupe les énoncés en six noyaux de
cinq énoncés définissant autant de modes d'interaction types.
MOTS CLÉS : GROUPE, INTERACTION, PARTICIPATION,
QUESTIONNAIRE, TYPOLOGIE.
A TYPOLOGY OF THE MODES OF INTERACTION IN TASK
GROUPS
Abstract
The participation was studied by two groups of
research workers : practitioners and academics. Clinical portraits of typical
participants were elaborated by the practitioners while the academics put forth
certain fondamental aspects of the functionning of a group. The research work of both groups did
not lead to the emergence of a accepted typology. In order to elaborate a valid typology participation was
studied from the practitioners observation’s using statistical methods commonly
used by the academics. The results
yielded three possible interpretations.
The first meets a well known tendency in factorial studies. The second corresponds to the three
dimensions of certain theoretical models pertaining to a group. The last gathers the statements into
six cells containing five statements defining as much modes of interaction
types.
KEY WORDS
: GROUP, INTERACTION,
PARTICIPATION, TEST, TYPOLOGY.
Une typologie des modes d'interaction en groupe
de tâches
Dans les groupes de tâches de moins d'une dizaine de personnes, certains
modes d'interaction semblent constants. Quels que soient les membres du groupe,
certains participants apparaissent relativement plus agressifs, silencieux,
bouffons, critiques, etc. que les autres. Plusieurs auteurs proposent des
typologies de ces modes d'interaction en réunion de travail.
Plusieurs praticiens ont tenté, sur la base de leur expérience
professionnelle habituellement très riche, de dégager quelques grands types de
participant. Ils ont ainsi élaboré des portraits cliniques relativement
impressionnistes et grandement comparables aux catégories qu'un habitué des
réunions en groupe peut lui-même observer. Cependant, leurs typologies, aussi
riches soient-elles, ne possèdent pas la rigueur nécessaire à la reconnaissance
scientifique.
Chez les chercheurs universitaires, l'étude scientifique des modes
d'interaction propres aux simples participants a été délaissée au profit de
l'étude des modes d'interaction des membres exerçant une certaine forme de
leadership ou d'autorité. Plus spécifiquement, ces recherches ont surtout porté
sur les répercussions des caractéristiques personnelles ou psychosociales
(attitudes, climat, valeur, etc.) des membres clés d'un groupe sur les
interactions des autres membres (Gill, Menlo, Keel, 1984). Seuls Bales (1950,
1970) et Saint-Arnaud (1978) semblent s'être directement intéressés à
l'identification des modes d'interaction de tous les membres au sein des
groupes restreints.
Par ailleurs, ces travaux de recherche ont permis de dégager des aspects
fondamentaux du développement et du maintien d'un groupe : interactions, phases
de développement, leadership, etc. Ces découvertes ont donné naissance à des
modèles théoriques d'où sont issues des grilles d'analyses certes fines et
précises mais dont l'utilité pratique n'est pas toujours évidente.
Une typologie des modes d'interaction en groupe reste encore à faire.
C'est l'objet de la présente recherche.
les typologies
expérientielles
La plus grande partie des connaissances, des
données cliniques et des savoir-faire accumulés sur le fonctionnement des
groupes restreints est essentiellement le fruit du travail de réflexion de
nombreux praticiens. On a qu'à penser aux formateurs qui ont oeuvré à
l'institut Bethel dans le Maine, à Esalen en Californie ou encore à un des
nombreux autres centres qui ont proliféré à travers le monde. Même Lewin (1935,
1972), théoricien et fondateur de la dynamique des groupes, était grandement
préoccupé par les retombées pratiques de ses recherches.
Les manuels d'animation de groupe ne se comptent plus, et encore moins
leurs nombreuses recommandations. La plupart de ces publications visent à aider
les responsables ou coordonnateurs de groupes à organiser et à diriger des
réunions de toutes sortes. Leurs auteurs y présentent habituellement une
typologie des participants de façon à indiquer au lecteur la «meilleure» façon
de réagir à ces personnes.
Parmi les auteurs les plus souvent cités ou
connus, mentionnons Ryan (1962). Dans son ouvrage sur le travail en comité, il
présente une énumération d'une vingtaine de participants types correspondant à
autant de modes d'interaction :
le maniaque du concret, l'obsédé de cas
particuliers, l'esclave de ses intérêts personnels, le méfiant professionnel,
le perpétuel silencieux, l'homme d'une idée, monsieur Tout-le-monde, l'avocat
du bon sens, l'avocassier, le partisan, le théoricien en l'air, le diplomate,
l'artiste du compromis, le mollusque, le verbomoteur, le chevalier des grands
principes, l'obstructeur, l'artiste de la digression, l'«outsider», le
dominateur, le critique «in absentia», le bon-ententiste.
De même, Gourgand (1969) identifie plusieurs portraits déjà classiques
dans la littérature sur les groupes :
le bavard, le silencieux, le critique, l'agressif, le raisonneur, le
passif, le scrupuleux, le rieur et l'hypocrite. Par ailleurs, cet auteur note trois grandes
réactions fréquentes parmi les participants. Ces réactions définissent
indirectement autant de modes d'interaction. Il y a le chercheur-de-coupable, le s'il-n'en-tenait-qu'à-moi et finalement le perfectionniste. Le premier cherche «c'est la faute à qui?».
Le deuxième pense que les choses iraient mieux s'il pouvait décider seul. Le
dernier n'accorde le droit à l'erreur à personne, sauf peut-être à
lui-même!
À peu près à la même époque, Mucchielli (1968), Beauchamps, Graveline et
Quiviger (1976) s'en tiennent à quatre personnages plus problématiques : le bavard, le silencieux, le déviant
et le fuyant. Un peu plus
tard, Lebel (1983) se défend de vouloir refaire une de ces typologies de
participants correspondant à des traits de caractère mais il n'en présente pas
moins lui aussi quatre personnages :
l'impératif qui
croit qu'il a toujours raison; l'attentif qui écoute et observe tout et chacun; l'effacé qui reste en retrait et le coopératif qui joue le jeu.
Dans un effort de synthèse, Demory (1986) regroupe seize personnages
typiques en deux grandes catégories : ceux exerçant une influence positive et ceux exerçant une influence négative. Les positifs sont : l'apaiseur, l'analyste, l'expert, le
secrétaire, le clarificateur, l'accélérateur et l'encourageur. Les négatifs sont : le critiqueur, le freineur, le pessimiste, le joyeux
drille, l'opposant systématique, l'agressif dominateur, l'indifférent, le
prétentieux et le manipulateur. Ainsi, après avoir débuté notre survol des travaux des praticiens au
début des années soixante avec la galerie des vingt portraits de Ryan, nous en
sommes maintenant réduits à deux catégories : les bons et les méchants!
Plus récemment, Simon et Albert (1990) mentionnent à leur tour une
dizaine de rôles. Aux formulations et identifications habituelles de
personnages (dominateur, bluffeur, blâmeur, etc.), ils ajoutent le dur, le tendre et le froid. Ces trois derniers personnages ont la particularité,
par rapport aux précédents, d'être strictement définis en fonction de critères
émotifs. D'autre part, Boisvert, Cossette et Poisson (1991) ont, à la manière
de Demory (1986), regroupé en personnages positifs et négatifs tous ces mêmes
participants types régulièrement mentionnés dans la littérature. Les positifs
sont ici : l'informateur,
l'attentif, le coopératif, le fignoleur, le stimulateur, le médiateur, le
pacifiste, l'analyste, le clarificateur et l'expert, tandis que les négatifs sont : le méfiant, le silencieux, le
maniaque du concret, l'agressif, le oui-oui, le bavard, le théoricien,
l'obstructionniste, le hors d'ordre, le dominateur et le bouffon.
Suite à ces énumérations, remarquons d'abord qu'une certaine vision
manichéenne des modes d'interaction semble toujours sous-tendre les diverses
catégorisations. On retrouve presque chaque fois une division du groupe entre
d'un côté les participants ayant une influence positive et de l'autre ceux
ayant une influence négative, les bons comportements d'un côté et les mauvais
de l'autre et ce, sans que l'on puisse toujours être certain de ce qui
détermine l'appartenance à un clan plutôt qu'à l'autre. Remarquons aussi qu'il
existe une certaine constance et une certaine convergence entre toutes ces diverses
typologies de participants. D'une part, plusieurs appellations demeurent les
mêmes d'un auteur à l'autre (le bavard, le silencieux, l'expert, etc.) et, d'autre part, plusieurs descriptions de
personnages se ressemblent sous des noms différents (l'hypocrite/bluffeur, le tendre/pacifiste, le dominateur/impératif, etc.). Cette relative convergence entre les
portraits cliniques développés par les praticiens s'étend aussi à d'autres
champs d'étude que le groupe, notamment la famille. Par exemple, Satir (1980),
à partir de ses trente années de pratique de la thérapie familiale, présente
toutefois ses styles de communication comme des modèles ou patterns
relationnels universels. Il y a celui-qui-accepte-tout, le blâmeur, le programmé, celui-qui-est-hors-propos et celui-qui-est-au-bon-niveau.
Au moins deux publications évitent cette dichotomie dans les modes de
participation, celles d'Enriquez (1981) ainsi que celle de Mongeau et Tremblay
(1991). Cependant, Enriquez s'intéresse plus aux interactions de l'intervenant
auprès d'un groupe, tandis que Mongeau et Tremblay limitent leurs portraits à
ceux qui cherchent à influencer le groupe. Le premier identifie le
formateur, le thérapeute, l'accoucheur, l'interprétant, le militant, le
réparateur, le transgresseur et
le destructeur. Les seconds
décrivent le vendeur, la vedette, le juge et le scout. Chez ces auteurs, aucun de tous ces personnages n'est
meilleur ou pire que les autres. Ils ont tous leurs défauts.
Par ailleurs, les convergences et les constances observées entre ces
descriptions cliniques suggèrent que les divers modes d'interaction existants
dans un groupe pourraient être directement issus de la situation de groupe :
ils seraient, selon cette hypothèse, la manifestation de forces psychosociales
à l'oeuvre dans les petits groupes. Ces forces entraîneraient, à travers les
processus d'échanges, l'émergence de certains rôles et de certaines fonctions,
lesquels seraient adoptés ou remplis par les participants selon leurs affinités
personnelles avec ces rôles et fonctions. Tous ces modes types de participation
représentent en quelque sorte les rôles les plus souvent joués en groupe de
tâches. Ils constituent en quelque sorte les personnages archétypes d'une pièce
appelée «réunion de travail». Par exemple, si plusieurs personnes
habituellement silencieuses dans leur groupe respectif sont réunies dans un
même groupe, la plus timide d'entre elles deviendra la silencieuse du groupe (i.e. fonction d'écoute et
d'appui) tandis que celle relativement plus osée «prendra» le rôle de bavarde (i.e. fonction de stimulation et
d'orientation).
Aussi, avec cette approche, les étiquettes diagnostiques apposées sur
les comportements des membres (participant silencieux, bavard, etc.)
représentent des attributs du rôle ou des fonctions qu'exercent ces personnes
dans le groupe. En conséquence, les portraits cliniques élaborés par les
auteurs n'illustreraient en fait que les retombées psychologiques de l'exercice
de divers rôles (animation, direction, représentant, etc.) ou de diverses fonctions
(stimulation, organisation, orientation, respect des règles, etc.) générées par
la vie du groupe. Ils amorcent ainsi, selon les mots de De Visscher (1991), une
sociopsychologie de la participation dans les petits groupes. En effet, si la
psychosociologie est l'étude des processus d'interaction, la sociopsychologie
correspondrait, elle, à l'étude de leurs conséquences psychologiques pour les
individus.
les recherches universitaires
Les travaux de Lewin (1959, 1972) sur les styles de leadership autocrate, démocrate et laisser-faire ont particulièrement influencé l'orientation et le
développement des recherches sur le groupe. Les chercheurs les plus connus sont
Argyris (1970), Bennis (1984), Blake et Mouton (1964, 1969), Hersey et
Blanchard (1977, 1989), Lippitt et White (1965), Saint-Pierre (1975), Vroom et
Yetton (1973). Leurs travaux ont surtout porté soit sur l'identification de
l'impact de ces styles de leadership ou d'autorité sur la participation de
l'ensemble des membres d'un groupe, soit sur l'identification de la pertinence
de ces styles d'autorité ou de leadership dans telle ou telle situation. Ainsi,
par exemple, il est aujourd'hui généralement admis que, parmi ces trois styles,
le démocrate est celui
qui favorise le plus la participation, ou encore que l'autoritaire est plus efficace en situation d'urgence.
Même si les trois styles autocrate, démocrate et laisser-faire sont
parfois utilisés pour catégoriser le mode d'interaction de certains
participants, ils n'ont pas été définis de façon à rendre compte des phénomènes
explicitement reliés aux interactions entre simples participants. Ces styles
réfèrent directement à la façon d'influencer plutôt qu'à la façon de participer
en général. Ces recherches issues des travaux de Lewin n'ont donc pas entraîné
l'élaboration de véritables instruments d'évaluation des interactions dans un
groupe.
Par ailleurs, une tradition de recherche centrée sur le groupe plutôt
que sur le leader et ses impacts s'est aussi développée sous l'impulsion de
Benne et Sheats (1948). L'exercice du leadership y est présenté comme un rôle
parmi d'autres propres au groupe. Ces rôles émergent directement de la
situation de groupe de sorte qu'une personne exerce du leadership parce qu'elle
est dans telle situation de groupe et non pas parce qu'elle «aurait» personnellement du leadership. De plus,
chaque personne possède des qualités qui peuvent être pertinentes à un moment
ou l'autre de l'évolution du groupe, elle pourra alors exercer une influence
sur l'ensemble du groupe.
Benne et Sheats précisent trois grandes dimensions de la vie du groupe
sur lesquelles les personnes peuvent exercer leur influence : la tâche, l'entretien, les besoins individuels. La tâche qui correspond au travail à faire explique et motive
la création d'un groupe de travail. L'entretien réfère au maintien de la qualité de la vie
collective. Les besoins individuels concernent les individus davantage en tant que
personne qu'en tant que membre du groupe. Ces trois dimensions de la vie d'un
groupe suscitent l'émergence de différents rôles au sein de ce groupe. Par
exemple, les rôles de lanceur d'idées, de coordonnateur, d'informateur, et de secrétaire sont relatifs à la dimension tâche.
Les rôles socio-affectifs de médiateur ou de protecteur sont relatifs à l'entretien. Finalement, certaines attitudes
personnelles viennent définir les rôles individuels : rôle de l'avocat, du cynique, du supérieur, du soumis, etc.
Les trois grandes dimensions définies par Benne et Sheats ont toutefois été complétées et précisées. Deux de ces dimensions font aujourd'hui consensus, celle se rapportant à la tâche et l'autre aux relations entre les personnes (Coté, 1986). À chacune de ces dimensions a été associée une forme d'énergie disponible au groupe. À la dimension tâche est associé le concept d'énergie de production, à la dimension relations entre les personnes est associé celui d'énergie de solidarité. Par ailleurs, en amont et en aval de ces deux formes d'énergie s'ajoutent maintenant les énergies résiduelle et d'entretien (Anzieu et Martin,1968; Saint-Arnaud, 1978). L'énergie résiduelle, non disponible au groupe, est liée aux besoins individuels inassouvis dans le groupe; l'énergie d'entretien correspond à l'organisation de la vie du groupe et aux efforts que les membres d'un groupe déploient pour tenter de régler les problèmes au fur et à mesure qu'ils se présentent.
De son coté, Misumi (1985, 1988) a cherché à définir différents styles à
l'aide d'analyses statistiques factorielles de données recueillies par
questionnaire. Ses premiers résultats ont permis d'identifier six groupes de
questions (ou facteurs). Afin d'augmenter la fiabilité et la validité
statistique de ces regroupements, il les a d'abord réduits à trois
regroupements plus larges. Puis, finalement, il ne retiendra que deux grands
regroupements. Le premier est intitulé pression pour la production et le deuxième est intitulé entretien de
bonnes relations dans le groupe. Le regroupement qui a été sacrifié était intitulé organisation. On constate donc ici aussi la résurgence
des mêmes dimensions de la vie de groupe : l'une centrée sur la tâche à faire, l'autre sur les relations entre les
membres et une dernière en rapport avec l'organisation du groupe, c'est-à-dire ses règles de
fonctionnement.
De même, Bales (1950, 1970) et Saint-Arnaud (1978), qui ont plus
directement étudié les interactions dans un groupe, considèrent ces dimensions
intrinsèquement reliées à l'existence même du groupe. Les dimensions tâche et relations
constituent la base du modèle de Bales. Il les nomme aires socio-opératoire et socio-affective. Le modèle de Saint-Arnaud reprend aussi ces
mêmes dimensions de tâche
et de relations. Il y
ajoute cependant la dimension entretien identifiée par Benne et Sheats (1948) ainsi que par
Anzieu et Martin (1968).
Le modèle de Bales, directement centré sur l'analyse des interactions
entre les individus, comporte 12 catégories issues de l'évaluation des
comportements des membres en fonction des zones d'interaction et des types de
problèmes. Le travail de Bales a ainsi permis de mettre en évidence et de bien
distinguer les comportements reliés à l'atteinte de la tâche de ceux reliés à
l'établissement et au maintien de bonnes relations dans le groupe : les aires socio-opératoire et socio-affective. Son modèle présente cependant
l'inconvénient de diviser les comportements reliés au socio-affectif de façon
manichéenne en bons ou mauvais pour le fonctionnement du groupe, comme les
praticiens ont tendance à le faire, plutôt que strictement descriptive comme
l'exigerait la rigueur scientifique. Cet aspect du modèle de Bales est donc
autant prescriptif que descriptif. Par contre, il demeure plus descriptif au
niveau socio-opératoire. À ce niveau, il y a globalement les comportements
«d'interrogation» et ceux de «réponse». Le modèle de Bales atteint, tel que le
mentionnent Anzieu et Martin (1968), une complexité et une précision
généralement inutiles au simple participant. Aussi, malgré que ce modèle ait
connu ses heures de gloire, il est aujourd'hui pratiquement abandonné tant à
cause de sa complexité que de sa lourdeur qui en font une entrave plutôt qu'un
outil.
Dans le modèle de Saint-Arnaud, les interactions constituent en quelque
sorte l'élément central du modèle. Elles sont séparées en deux catégories :
d'une part, les interactions entre chacun des membres et l'objectif du groupe
(dénommé cible commune). Ces interactions sont associées à la notion de production et au concept d'axe de participation. D'autre part, les interactions entre les
membres eux-mêmes sont associées à la notion d'énergie de solidarité de groupe et au concept de cercles
d'interaction. La
participation des membres y est donc analysée en fonction de leur «production»,
c'est-à-dire en fonction de leur contribution à la tâche, tandis que les
relations entre les membres sont analysées en fonction de leur «solidarité»
avec d'autres membres, c'est-à-dire en fonction de leur affinité de position
avec d'autres membres sur l'axe de participation.
Dans ce modèle du groupe, la participation est représentée par un axe
composé de cinq positions où chaque membre oscille en fonction de sa
contribution, ici et maintenant, à la production du groupe. La première
position, appelée centre, correspond à un investissement maximum de la part du
participant. Il cherche directement à influencer ce qui se passe soit au niveau du contenu, soit au
niveau du processus. La deuxième position, appelée émetteur, correspond à la personne qui donne son
opinion. La troisième, appelée récepteur, correspond à celle qui écoute. La quatrième,
appelée satellite,
correspond à la personne qui est dans la lune ou attentive à autre chose que ce
qui préoccupe le groupe dans son ensemble. Finalement la dernière position,
appelée absent,
correspond à l'absence physique et concrète des lieux.
D'autre part, la solidarité entre certains membres est représentée par
des cercles d'interaction. On rencontre ainsi couramment dans les groupes le
cercle des centres, celui des émetteurs-récepteurs et celui des satellites.
D'une certaine façon, la disponibilité de chacun étant plus grande à l'égard
des membres de son cercle d'interaction, l'appartenance à un ou plusieurs de
ces cercles de solidarité détermine la réceptivité de chacun des membres à
l'égard des autres.
Toutefois, malgré leur richesse et leur précision, ni l'axe de participation ni les cercles d'interaction du modèle de Saint-Arnaud ne permettent de dégager une typologie des modes d'interaction. L'étude séparée des interactions entre d'un côté les personnes et la tâche et de l'autre côté, entre les personnes elles-mêmes n'a pas entraîné la synthèse d'une telle typologie. L'analyse de la participation y demeure comportementale et technique. La dimension émotive y est occultée.
Vers une typologie
des modes d'interaction en groupe
Suite à ce bref survol des travaux des
praticiens et des universitaires concernant la participation en groupe, force
est de constater que les deux mondes sont restés grandement parallèles. Le
travail des praticiens n'a pas été directement repris et développé par les
universitaires. Seules les catégories de Bales se rapprochent des portraits
cliniques des praticiens. On les retrouve dans la plupart des manuels «sérieux»
de psychosociologie, mais rares sont les praticiens qui s'en servent.
Par contre, les grilles développées par les chercheurs pour l'analyse et
l'observation de l'exercice de l'autorité et du leadership ont été largement
reprises et utilisées sur le terrain. Elles sont utilisées jusqu'à la limite de
leur validité. Elles servent à l'identification des styles d'animation ou de
conduite des réunions, à l'identification des tendances des participants, etc.
(Sorez, 1977; Vanoye, 1976). Cependant, tel que le soulignent Aebischer et
Oberle (1990), ces deux dimensions (centration sur la tâche, centration sur les
relations) ne permettent ni de prévoir les effets de tel ou tel type de
comportement, ni de définir un style de leadership idéal. Beaucoup d'autres
éléments entrent en ligne de compte :
les attitudes, les besoins, les attentes; les normes et les valeurs; les
caractéristiques et les exigences particulières d'une tâche ou d'une situation
ainsi que les caractéristiques du groupe et de l'organisation.
De plus, les grilles d'analyse les plus répandues ne sont pas neutres au
point de vue des valeurs. Qu'il s'agisse des styles autocrate, débonnaire ou laisser-faire de Lewin et ses collaborateurs, ou encore des styles
issus de la matrice de Blake et Mouton (1987), il y en a toujours un qui est
supposé meilleur ou plus efficace que les autres.
L'élaboration rigoureuse d'une véritable typologie des modes
d'interaction reste donc à faire. Pourtant, le seul acharnement des praticiens
à réinvestir dans de telles tentatives devrait à lui seul justifier la
pertinence d'un tel travail mais en plus, comme le souligne Clapier-Valladon
(1986), à tort ou à raison, l'intérêt de la population en général pour de
telles typologies est toujours vif. La soif de se connaître demeure. Aussi,
c'est d'abord à ce besoin que nous avons cherché à répondre. Nous avons donc
travaillé à élaborer une typologie des modes d'interaction en groupe proche des
préoccupations du participant qui cherche à mieux connaître sa propre manière
de participer à des groupes ou qui cherche à savoir à qui il a affaire.
Méthodologie
La meilleure voie pour amorcer l'élaboration d'une typologie des modes
d'interaction en groupe tout en cherchant à réconcilier les points de vue des
praticiens et des universitaires nous a semblé être une approche empirique
similaire à celle utilisée ailleurs par Cattell (1952, 1956) puis par Eysenck
(1956), Guildford (1954) et autres «factorialistes». Leur approche s'appuie sur
l'analyse des relations statistiques entre des réponses données à un
questionnaire. Cette approche présente l'avantage de dégager avec rigueur
certains traits sous-jacents aux questions posées. Par contre, elle se limite à
l'analyse de réponses données à un questionnaire de sorte qu'elle ne peut
«trouver» que ce qui a préalablement été «mis» dans le questionnaire.
Pour contrer cette faiblesse de la méthode et tirer profit de la
richesse de l'expérience des praticiens, nous nous sommes appuyés sur des
observations faites par des praticiens sur les participants en groupe. Nous
avons donc colligé pendant quelques années divers commentaires, observations et
remarques émis par des praticiens concernant principalement les actions, les
émotions, et les croyances des participants. Nous avons ainsi recensé et
recueilli plus de trois cents affirmations. En éliminant les répétions et les
formulations importunes, un questionnaire de 75 énoncés fut élaboré. Les
répondants devaient y indiquer leur degré d'accord ou de désaccord avec chacun
des énoncés sur une échelle en quatre points : en accord, plutôt d'accord,
plutôt en désaccord, en désaccord.
Ce premier questionnaire a été prétesté auprès d'environ quatre-vingt
personnes. Les énoncés donnant lieu à de mauvaises interprétations ou ne
pouvant être associés à aucun facteur furent éliminés suite à ce prétest; 30
furent conservés. L'ordre d'apparition de ces 30 énoncés dans la version finale
du questionnaire a été établi au hasard. Ce questionnaire a ensuite été
administré à 92 sujets, trois groupes d'environ 30 personnes. Il s'agit de
groupes d'étudiants et d'étudiantes dans des programmes de premier cycle
universitaires de formation à l'animation des petits groupes. Dans tous les
cas, il s'agit d'adultes sur le marché du travail dont l'age varie entre 20 et
40 ans. Tous les sujets ont répondu sur une base volontaire et anonyme.
Les données recueillies à l'aide de cette version du questionnaire ont
ensuite été soumises à plusieurs analyses statistiques de classification
automatique et d'analyse factorielle en correspondances principales de manière
à faire ressortir les regroupements significatifs d'énoncés et de façon à
confirmer la validité de ces regroupements. En effet, comme il est mentionné
par Norusis (1990) dans le manuel du SPSS «Factor analysis and cluster analysis
need not always arrive at the same variable grouping, but it is comforting when
they do» (p. 363). Dans l'ensemble, les analyses par classification automatique
et celles en correspondances principales donnent lieu aux mêmes regroupements.
résultats
Un premier exercice de classification a été conduit à partir des
corrélations entre les énoncés du questionnaire de façon à découvrir les
similitudes de «comportement» entre ces énoncés. Cette opération a mis en
lumière d'une part l'existence de six modes d'interaction partagés également en
deux catégories : une première catégorie réunit trois modes d'interaction où
l'individu joue un rôle proactif et cherche à moduler le déroulement des
événements dans le groupe. Il s'agit des modes impulsif, convaincant et analyste.
L'impulsif exprime
promptement son avis, ses sentiments et ses opinions, quitte à les analyser par
la suite. Il ne peut s'empêcher de laisser savoir ce qu'il pense. Ses
interventions dynamisent le travail du groupe. Le convaincant tente de persuader, de vendre une idée ou un
projet. Il cherche à convaincre tout le monde et profite de toutes les
opportunités pour obtenir l'adhésion à ses propositions. Sa fonction au sein du
groupe serait de rallier les diverses contributions des membres autour d'un
même projet. L'analyste
met en perspective l'ensemble des éléments, communique sa compréhension des
enjeux, accorde une grande importance à bien établir où l'on va. Sa
contribution principale est de clarifier les échanges et la production.
La seconde catégorie réunit les trois autres modes d'interaction où
l'individu joue un rôle réactif. Il réagit à ce qui se passe au sein du groupe.
Ces modes d'interaction sont respectivement nommés : discret, sceptique et strict.
Le discret appuie
plus souvent qu'il ne propose, reste silencieux lors de confrontations entre
d'autres membres, est plutôt effacé et tend à noyer ses idées parmi celles des
autres. Sa contribution se situe principalement au niveau de l'écoute et de
l'appui aux autres membres du groupe. Le sceptique se fie peu aux autres. Il est aux aguets et cherche
à savoir à qui profitera une décision. Face aux tensions, il tend à tout
ramener à un conflit d'intérêts. Sa fonction est de surveiller et d'examiner
les échanges. Le strict
est préoccupé par le respect de l'horaire, des règles et des procédures. Il
porte beaucoup d'attention à la structure et à la répartition équitable des
tâches entre les membres. Sa contribution est de structurer les échanges et la
production.
Par ailleurs, les réponses aux 30 énoncés du questionnaire ont aussi été
soumises à une deuxième procédure de classification automatique en fonction de
la proximité relative des variables de façon à mettre en valeur les
regroupements possibles selon le résultat total à chaque énoncé. Cette procédure fait apparaître un
troisième ensemble de regroupements, lui aussi, largement confirmé par
l'analyse de correspondance. L'inertie des items est généralement supérieur à
0,5 (Mongeau et Tremblay, 1994).
Les résultats réunissent cette fois les énoncés par groupes de deux
modes d'interaction. Ils regroupent les énoncés se rapportant d'une part aux
modes convaincant et impulsif et, d'autre part, aux modes strict et analyste, puis finalement aux modes discret et sceptique.
Ces regroupements peuvent être reliés aux modèles théoriques du groupe.
En effet, les énoncés se rapportant aux modes convaincant et impulsif ont pour caractéristique commune d'être plutôt
centrés sur la production
du groupe. Les participants interagissant sur ces modes contribuent surtout à
l'avancement de la tâche. Ils veulent que le travail avance et avance le plus
vite possible. Les participants interagissant sur les modes discret et sceptique sont surtout préoccupés par la qualité des relations d'échange entre les gens. Les uns s'en
méfient tandis que les autres les redoutent. Finalement, les participants
interagissant sur les modes strict et analyste contribuent
essentiellement au bon fonctionnement du groupe, c'est-à-dire à son organisation.
Du point de vue statistique, les énoncés des regroupements correspondant
à chacun des six modes d'interaction, de même que les grandes catégories correspondant
aux tendances à être proactif ou réactif ainsi
qu'aux dimensions production, organisation et relations sont suffisamment homogènes entre eux et distincts
d'un regroupement à l'autre pour considérer qu'ils mesurent différents aspects
de la participation en groupe. Précisément, les coefficients de consistance
interne varient de 0,66 à 0,77 tandis que les corrélations entre les six modes,
les trois dimensions ou les deux grandes catégories varient de -,24 à 0,32;
voir tableau I et II.
Tableau I — Coefficients de consistance interne
des regroupements
impulsif 0,71
convaincant
0,71
analyste
0,67
strict
0,68
sceptique
0,77
discret
0,74
production
0,74
organisation
0,66
relations
0,77
proactif 0,75
réactif
0,77
Tableau II — Corrélations interregroupements
Impul. Conv. Anal. Strict Scep. Production Organis. Relations Proactif
Réactif
Impulsif
,80**
,10 -,18 ,72** -,13
Convaincant ,29**
,80** ,21*
,00 ,78**
,03
Analyste ,13
,30**
,27* ,70** -,09 ,60** -,01
Strict ,03 ,04 ,13
,04 ,80** ,23* ,09
,63**
Sceptique ,03 ,18 ,07
,16
,13 ,16
,78**
,13 ,69**
Discret -,26* -,13 -,21
,20
,32** -,24* ,02
,85** -,28**
,77**
Production
,93** -,07
Organisation
,19
,42**
,45**
Relations
-,11 ,11
-,12
,90**
Proactif
-,06
DISCUSSION
Le premier niveau d'interprétation, en fonction de la tendance générale
à être proactif ou réactif aux événements, est nouveau par rapport à la
documentation sur les groupes. Cependant, il s'agit de tendances largement
connues depuis le début du siècle, le plus souvent sous des vocables proches
des notions d'introversion et d'extroversion empruntées à Jung. Plus récemment,
Misumi (1988), dans sa recherche sur les modes d'interaction liés au
leadership, avait identifié six facteurs, lesquels étaient chapeautés par deux
grands facteurs intitulés pressions pour la production et entretien de bonnes relations. Toutefois à notre compréhension, ces deux
tendances générales, qu'elles s'appellent proactive/production/extroversion ou
réactive/entretien/introversion, apparaissent tout de même plus intrinsèquement
reliées à des éléments constitutifs de la personnalité. En effet, ces tendances
sont connues et identifiées depuis fort longtemps des psychologues. De plus,
tel que le souligne Clapier-Valladon (1986), cette tendance bipolaire à
l'extroversion/introversion n'est que la réapparition dans un langage scientifique
de la dualité déjà mentionnée chez Platon, Hippocrate et plusieurs philosophies
orientales. Par contre, les autres niveaux d'interprétation refléteraient plus
directement des aspects issus de la situation de groupe. Dans ce cas-ci, les
intitulés proactif et réactif nous ont semblé plus appropriés pour décrire des
modes généraux d'interaction en groupe car les appellations, introversion et
extroversion, nous apparaissaient trop près des notions et concepts liés aux
théories de la personnalité. Par contre, cette convergence entre nos résultats
et ceux traditionnellement observés contribue à valider notre instrument de
recherche.
De même, le deuxième niveau d'interprétation en fonction d'une certaine
sensibilité à la production,
à l'organisation ou aux relations entre les membres peut être directement
relié à la documentation scientifique sur le groupe. En effet, ces trois
dimensions du groupe sont fondamentales à plusieurs modèles théoriques du
groupe aujourd'hui reconnus (Anzieu et Martin, 1968; Maisonneuve, 1980; Misumi,
1985, 1988; Saint-Arnaud, 1978). De plus, la plupart des praticiens donnant des
sessions de formation au travail de groupe réfèrent à ces dimensions. Durant
ces sessions, dire d'un individu qu'il est centré sur la tâche, les relations ou l'organisation du groupe ne surprend personne.
Finalement, le dernier niveau d'interprétation (en fonction de six
regroupements d'énoncés) indique la possibilité d'établir des modes types
d'interaction en groupe tel que présupposé par les praticiens dans leur
élaboration de portraits cliniques. Plusieurs des modes d'interaction
identifiés ici recoupent d'ailleurs certains portraits développés par les
praticiens. Plusieurs parallèles peuvent être établis : le discret /l'effacé/le passif/le silencieux/le
tendre/etc.; le sceptique/le blâmeur/le critique/le chercheur-de-coupable/etc.; le strict/le programmé/le scrupuleux/le fignoleur/le
perfectionniste/etc.; l'analyste/le clarificateur/le
froid/l'analyste-raisonneur/etc.;
le convaincant/le diplomate/l'encourageur/le manipulateur/le médiateur/etc.; l'impulsif/l'impératif/l'agressif/le dominateur/le
dur/etc. Toutefois, ces personnages s'éloignent dans leur description de la
tendance manichéenne, observée chez les auteurs praticiens, à identifier des
«bons» et des «mauvais» participants. Ici, chacun des six personnages semble
exercer une fonction précise dans le groupe. En fait, l'existence même de ces
modes d'interaction pourrait être tributaire des fonctions découlant de la
structure de groupes de tâches plutôt que l'inverse. Ce n'est peut-être pas
tant les personnages qui exercent certaines fonctions que certaines fonctions
qui suscitent l'émergence de ces modes d'interaction au sein d'un groupe donné.
La synthèse des résultats nous a donc permis d'élaborer une première
typologie des modes d'interaction en groupe et de leurs fonctions associées sur
une base que nous croyons valide par ses assises pratiques et par la rigueur de
son élaboration, voir tableau III.
Tableau III — Typologie des modes
d'interaction
CONCLUSION
En résumé, la majorité des typologies des
modes d'interaction en groupe de tâches issues des praticiens concerne
directement la participation des membres, tandis que la majorité de celles
issues des universitaires concerne le leadership. De plus, les travaux des
praticiens ont été très peu considérés par les scientifiques et les études des
scientifiques ont peu été utilisées par les praticiens. Lorsqu'elles l'ont été,
elles provenaient essentiellement de champs connexes tels que l'étude du
leadership. Les travaux des
praticiens et des universitaires concernant les modes d'interaction en groupe
sont donc, à quelques exceptions près, demeurés parallèles. Toutefois,
praticiens et universitaires ont en commun d'avoir véhiculé une certaine vision
manichéenne de la participation. D'autre part, les recherches universitaires
mettent en lumière des dimensions générales de la vie d'un groupe de tâches,
tandis que le travail des praticiens suggère l'existence de différents modes de
participation constants d'une réunion de travail à une autre.
Nos résultats indiquent qu'il est possible d'établir une convergence
entre les modèles théoriques des universitaires et les éléments de diagnostics
des praticiens. En effet, les analyses ont révélé la possibilité de regrouper
les énoncés selon trois différents niveaux d'interprétation. Un premier niveau
d'interprétation regroupe les énoncés selon une tendance très générale des
participants à prendre soit les devants lors des échanges, soit à réagir aux
autres. La première tendance, libellée proactive, correspond à un mode d'interaction où le
participant manifeste une propension à proposer et à prendre des initiatives
lors des discussions. La deuxième, appelée réactive, correspond à un mode d'interaction où le
participant manifeste plutôt une propension à attendre et s'exprimer plus
tard. Le deuxième niveau
d'interprétation regroupe quant à lui les énoncés selon les trois dimensions du
travail de groupe généralement identifié dans la documentation, c'est-à-dire la
production d'une tâche, la qualité des relations et l'organisation du bon
fonctionnement du groupe. Ce deuxième niveau d'interprétation semble
correspondre à une certaine sensibilité des participants à l'une ou l'autre de
ces dimensions de la vie d'un groupe. Aussi, ces trois regroupements ont
respectivement été intitulés : production, relation et organisation. Finalement, le dernier niveau d'interprétation
regroupe les énoncés en six noyaux de cinq énoncés définissant des modes
d'interaction typiques, lesquels semblent correspondre à certaines fonctions
dans les groupes de tâches.
Cependant, la typologie des modes d'interaction en groupe de tâches et
de leurs fonctions associées présentée ici est non exhaustive. Elle est
directement tributaire des énoncés recueillis auprès des seuls praticiens
interrogés. D'autres modes d'interaction, d'autres nuances ou encore de
meilleures définitions sont certainement possibles. Malgré un évident besoin de
recherches plus approfondies auprès d'un plus grand nombre de répondants, les
six modes identifiés (impulsif, convainquant, analyste, strict, sceptique et discret) offrent sur un plan pratique une grille d'analyse
moins arbitraire que la plupart de celles habituellement utilisées. Aussi,
l'instrument de recherche développé pourrait être utilisé par des participants
pour alimenter leur réflexion sur leur manière d'interagir avec les autres en
situation de groupe en comparant leurs réponses à celles de notre échantillon.
D'autre part, sur un plan théorique, l'identification de modes d'interaction
récurrents d'un groupe de travail à l'autre laisse supposer que l'existence de
ces modes d'interaction pourrait ne pas être strictement tributaire des
caractéristiques psychologiques des personnes qui les manifestent. Ils seraient
plutôt le produit du système que forme un groupe de tâches.
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